POURQUOI L’EDUCATION NOUVELLE ?
Texte d’orientation du GFEN,
Congrès de Paris, 10 au 12 juillet 2013
« L’Éducation Nouvelle prépare chez l’enfant, non seulement le futur citoyen capable de remplir ses devoirs envers ses proches et l’humanité dans son ensemble, mais aussi l’être humain conscient de sa dignité d’homme »
Principe de la Ligue Internationale d’Éducation Nouvelle, 1921
« Contribuer conjointement à former l’Homme et le Citoyen, à éclairer l’action par la pensée,
à vivifier la pensée par l’action »
Henri Wallon
Tous capables : du pari philosophique au défi de sa mise en actes
Le GFEN (Groupe Français d’Education Nouvelle) défend, contre l’esprit de fatalité, l’idée que l’Homme est responsable de son histoire ou qu’il peut le devenir. Son pari philosophique du « Tous capables » postule que chaque enfant, chaque adulte, chaque peuple a des capacités immenses pour comprendre et créer. Ce pari peut s’appuyer sur son expérience et est étayé par les travaux sur la plasticité cérébrale. Il récuse les critères usuels de réussite et d’échec. Il fonde une conception de la démocratie qui, à travers des apprentissages solidaires, permet de penser l’homme dans sa dimension singulière et sociale. Ainsi, se réactualise notre combat fondateur pour une culture de paix.
C’est au défi de sa mise en actes que la société est confrontée : créer les conditions de la réussite de tous en refusant une idéologie de la méritocratie, en créant les conditions d’une égalité réelle contre « l’égalité des chances », contre le retour de l’idéologie des dons et du handicap socioculturel et de l’individualisation à outrance. Ce défi nous amène à interroger les conceptions dominantes du savoir et de la création et à repenser les modes de transmission des savoirs et de la culture.
L’Éducation nouvelle élabore des idées et des pratiques qui sont leviers d’émancipation solidaire, en tout lieu d’éducation. Elles mettent en actes le pari philosophique du « Tous capables, Tous chercheurs, Tous créateurs. ». Dans la diversité des approches culturelles, elles participent de la construction dynamique d’une culture commune, associant pluralité et unité, et restituant par là-même leur sens aux valeurs de fraternité et de démocratie.
Un monde en crise travaillé par des aspirations et des exigences
La domination de l’ultra libéralisme s’est caractérisée ces dernières années par une aggravation de la crise et de son caractère mondial et structurel ainsi que par une explosion de la spéculation financière. La logique du marché et la servitude qu’elle engendre ont envahi au-delà des secteurs marchands, les champs de l’éducation, de la culture et de la santé. En intériorisant les logiques de la performance et de la concurrence, les personnes en sont à la fois les victimes et les porteuses.
La violence des rapports sociaux conduit de façon contradictoire et à la résignation des personnes et à l’émergence de formes nouvelles de résistance et de militantisme.
Le GFEN, depuis sa création en 1921, participe à une bataille d’idées à l’échelle de l’Histoire, bataille qui prend une dimension mondiale avec son activité au sein de réseaux internationaux.
Dans ce monde qui tend à l’uniformisation des cultures et des pensées et qui exige une adaptabilité permanente des individus (souvent dans le déni du sujet dans sa dimension singulière et sociale), les utopies et les pratiques centrées sur la solidarité et le respect des personnes sont dénigrées.
Parce que de nouvelles formes d’inégalités, d’intégrismes et de communautarismes effritent les liens sociaux, fracturent les rapports humains et exacerbent les repliements identitaires,
– parce que l’individualisme est érigé en vertu et son corollaire, la compétition (facteur de souffrance au travail), en nécessité,
– parce qu’une telle société met en péril la revendication d’accès aux savoirs pour tous, en considérant que les inégalités sociales sont des inégalités de nature, l’Éducation nouvelle, les pratiques et les valeurs collectives qu’elle porte, sont plus que jamais indispensables pour que l’intelligence et le pouvoir de création de chacun concourent à l’émancipation de tous. Ici et ailleurs, un autre monde est en construction.
Restituer aux savoirs, à la création, à la culture leur dimension d’émancipation
Le Groupe Français d’Éducation Nouvelle agit pour transformer des potentialités en capacités à inventer, chercher, créer, parce que les savoirs et les cultures ne sont pas des produits finis et indiscutables.
Cela se construit dans le débat nécessairement contradictoire, s’opère dans l’exercice d’une pensée critique et agissante.
Il s’agit d’apprendre à comprendre et à s’émanciper des faux semblants comme des évidences, d’apprendre à surmonter ses propres obstacles, à porter un regard audacieux et critique sur le monde et à articuler sans les opposer contenus et méthodes, savoir, culture et sujet, dans leur dimension politique et anthropologique.
La complexification des savoirs et le nécessaire dialogue des cultures exigent l’invention d’approches transversales afin d’affronter les problèmes dans leur globalité. La transdisciplinarité, l’inter et la transculturalité, le travail de la langue et des langues, le rapport à l’environnement… prennent une nouvelle dimension.
Pratiquer l’Education nouvelle : une dynamique de transformation
L’éducation ne saurait se suffire de « bonnes méthodes » et de la diffusion de « bonnes pratiques ». Toute éducation est un lieu de transformation et donc de confrontation, un lieu de construction des savoirs et de construction de la personne et du citoyen.
L’Éducation nouvelle affirme que les valeurs d’émancipation ne peuvent exister que dans des pratiques qui les construisent. Le GFEN a créé et développe la notion d’auto-socio-construction, à travers des démarches de construction de savoirs, la pratique des projets, de la vie coopérative et la pratique des ateliers d’écriture et de création.
L’Éducation nouvelle élabore et théorise des pratiques dans le champ des savoirs, de la culture et de la création, afin que chacun, avec les autres, agisse sur le monde pour le transformer. Dans cette perspective, chaque acteur de l’Éducation nouvelle agit en tant que praticien-chercheur.
Sur les plans national et international, la mise en réseau et la coopération des acteurs de l’Éducation nouvelle, en particulier à travers le LIEN (Lien International d’Education Nouvelle), nous engagent dans de nouvelles perspectives solidaires.
La dignité, l’autonomie de penser et d’agir doivent guider le projet de toute éducation et de toute formation.
Le partage des idées transformatrices pour un monde plus juste, plus solidaire et plus humain, leur mise en œuvre, de nouveaux engagements de chacun et de tous s’imposent pour renforcer nos utopies et les mettre en actes.